Genre : Comédie dramatique
Durée : 115’
Acteurs : Adèle Exarchopoulos, Alexandre Perrier, Mara Taquin...
Synopsis :
Cassandre, 26 ans, est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Vivant au jour le jour, elle enchaîne les vols et les fêtes sans lendemain, fidèle à son pseudo Tinder « Carpe Diem ». Une existence sans attaches, en forme de fuite en avant, qui la comble en apparence. Jusqu’à ce qu’un incident de parcours ne l’oblige à se reconnecter au monde. Cassandre saura-t-elle affronter les douleurs enfouies et revenir vers ceux qu’elle a laissés au sol ?
La critique de Julien
Présenté à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes 2021, "Rien à Foutre" a l’originalité de faire voyager le spectateur de Lanzarote à Huy, en passant par un rond-point situé route de Louvain-la-Neuve à Belgrade, sans oublier à Dubaï. Rien d’extraordinaire en soi, étant donné que ses réalisateurs Julie Lecoustre et Emmanuel Marre y filment, pour leur premier long métrage, le quotidien d’une hôtesse de l’air, travaillant de plus pour une compagnie low-cost.
C’est Adèle Exarchopoulos qui interprète ici cette jeune femme, quelque peu paumée, mais résistant à sa manière au chagrin, elle qui reflète aussi une part de la jeunesse d’aujourd’hui, en quête de rêve, d’évasion, peu importe le prix (supplémentaire) à payer, tout en étant, dans le cas de Cassandre, consciente d’aspirer à mieux. Et si elle s’envoie ici littéralement en l’air, c’est pour justement éviter de souffrir, la demoiselle ayant décidé de tourner un trait sur son passé, après avoir vécu un drame familial. Incapable de se projeter dans le futur, cette dernière vit alors carpe-diem - tel son pseudo Tinder - et en décalage permanent, entre des non-lieux, elle qui, une fois la porte de l’avion fermée, s’applique ainsi à sa tâche, laissant sur le tarmac tous ses problèmes, pour s’occuper parfois de ceux des autres, et à parfois s’y méprendre dans sa démarche, face aux règles et lois qui régissent son job, lui qui ne ressemble à aucun autre.
"Rien à Foutre" nous montre dès lors la vie d’une hôtesse de l’air, qui vit souvent en petite communauté apatride en escale, dans des colocations situées près des aéroports. Et dans le cas de Cassandre, cette dernière, quand elle ne travaille pas, passe ses soirées dans les boîtes de nuit (attention aux oreilles), ou sur les réseaux sociaux, en quête de rencontres d’un soir. Cette première partie de film, très elliptique, et tournée en partie à l’Iphone, reflète dès lors ce métier sans attache et perdu dans un non-temps, et inadapté à la vie sociale, sans que le spectateur ne soit dès lors capable de dire combien de temps s’est écoulé entre deux scènes. Cependant, le film parvient à garder un certain cap, et à rythmer la vie de son anti-héroïne, notamment par une fluidité solaire relative au temps qui passe, entre le jour et les (longues) nuits.
Déconnectée, cette demoiselle touche au travers du jeu d’Adèle Exarchopoulos, fidèle à elle-même, très naturelle dans son rôle, et sous lequel on devine aisément un mal-être qui la pousse à fuir une certaine réalité, dont on comprendra véritablement la raison en fin de film, plus terre-à-terre. En effet, c’est une fois de retour en Belgique, après un incident de parcours, que le film prend une tout autre tournure, plus dramatique, confrontant son personnage à des douleurs enfouies. Et autant dire que ce dernier acte, assez longuet, fait moins rêver, s’éloignant dès lors des hublots pour la grisaille aux alentours de la Meuse, lui qui montre indirectement les limites de cette production, tournée avec peu de moyens. Qu’importe, il parvient à creuser la psychologie de son personnage, et à le relancer vers de nouveaux horizons...
Mais si "Rien à Foutre" est aussi intéressant, c’est parce qu’il nous montre l’envers du décor d’une compagnie aérienne low-cost, ainsi que les conditions de travail très strictes de ses employé.e.s, lesquels gagnent en sécurité de l’emploi grâce à leur vente de produits à bord. En l’occurrence, nous n’avions - de mémoire - encore jamais vu un film qui traitait de ce sujet. C’est en cela que celui du duo de réalisateurs français Julie Lecoustre et Emmanuel Marre est singulier, lesquels avaient déjà co-écrits ensemble le moyen métrage "D’un Château l’Autre" (2018), réalisé par le second. On s’étonne alors de suivre volontiers le quotidien, somme répétitif, de ce personnage très actuel, et faussement impétueux, pouvant agacer par une certaine désinvolture dans sa manière de vivre. Mais force est de constater que ce portrait immersif dégage quelque chose, qu’Adèle Exarchopoulos rend aussi intriguant que ce qui peut se cacher derrière le sourire d’une charmante hôtesse de l’air...