Genre : Horreur
Durée : 116’
Acteurs : Sosie Bacon, Jessie T. Usher, Kyle Gallner, Robin Weigert, Caitlin Stasey avec Kal Penn et Rob Morgan...
Synopsis :
Après avoir été témoin d’un incident bizarre et traumatisant impliquant un patient, le Dr Rose Cotter commence à ressentir des événements effrayants qu’elle ne peut expliquer. Alors qu’une terreur accablante commence à s’emparer de sa vie, Rose doit affronter son passé troublant afin de survivre et échapper à sa terrifiante nouvelle réalité.
La critique de Julien
On n’attendait pas grand-chose de "Smile", distribué par la Paramount, et réalisé par le nouveau venu dans le domaine de l’horreur qu’est Parker Finn. Et c’est sans doute pour cela que notre joie et d’autant plus grande, étant donné que ce film d’horreur original est bien celui qui devrait réconcilier le grand public avec ce genre cinématographique surexploité, et de surcroît par des récentes productions assez mauvaises. "Smile" donne donc le sourire, non pas parce qu’il est comique, mais bien parce qu’il est réussi...
"Smile", c’est avant tout un court-métrage, "Laura Hasn’t Slept" (2020), réalisé par Parker Finn, lequel narrait l’histoire d’une psychiatre confrontée à des événements aussi terrifiants qu’inexpliqués, à la suite d’un étrange rendez-vous avec un patient. Et face au potentiel de cette histoire, Finn a été intercepté par Paramount Pictures, afin de l’adapter en version long métrage, et cela également en tant que scénariste. Le metteur en scène a donc eu carte blanche, en adaptant sa propre histoire, en s’amusant, semble-t-il, comme un fou au vu du résultat, sans doute le sourire (démoniaque) aux lèvres... Pourtant, ce n’était pas totalement gagné d’avance, étant donné que la sortie du film était uniquement prévue en streaming sur Paramount +. Mais fort de projections-tests très positives aux Etats-Unis, le studio a finalement choisi de le sortir en salles, lui qui est déjà un succès retentissant au box-office, tout en ayant réalisé un superbe démarrage, et surtout un maintien très rare pour un film d’horreur, et cela aux Etats-Unis, lequel n’a, effet, perdu que 22% de son public à l’issue de son second week-end exploitation là-bas (par rapport à son premier), signe d’un bouche à oreille très favorable. Et cela devrait continuer de plus belle, étant donné la période propice à ce type de films, même si la concurrence sera rude (avec les sorties de "Halloween Ends" et de "La Proie du Diable")...
Le film débute alors son histoire dans un service psychiatrique, où la psychiatre Dr Rose Cotter reçoit une patiente terrorisée, qui semble être en délire total de persécution, elle qui prétend être la seule à voir une entité qui la tourmente et la menace, et cela en prenant l’apparence de personnes proches, lui souriant. En faisant mine de l’écouter, mais sans véritablement l’écouter, le docteur sera alors témoin d’un étrange événement, voyant sa jeune patiente étudiante être prise de convulsions. Le temps d’appeler les secours et de lui tourner le dos, Rose, lorsqu’elle se retournera, découvrira la jeune demoiselle face à elle, en train de se trancher la gorge avec un éclat de vase cassé, tout en lui souriant... Très vite, telle une malédiction, Rose se retrouvera confrontée aux mêmes apparitions que celles qui semblaient avoir effrayées sa patience...
Dans cet enfer, Rose se retrouvera donc seule dans sa position, abandonnée par tous ses proches, comme son mari (Jessie T. Usher), sa sœur (Gillian Zinser), et même son ancienne psychiatre. En effet, Rose a été témoin, enfant, de la mort de sa maman, abusive, malade mentale et toxicomane, ce qu’elle a longtemps refoulé en elle, souffrant de culpabilité, et qui semble, aux yeux de ceux qui l’entourent, refaire surface, elle qui, d’après eux, se comporte comme sa mère... Par ce prisme, Parker Finn nous parle directement de la société et du tabou qu’est la santé mentale, tandis que l’être humain a vite fait de catégoriser ceux qui en souffrent, et ceux qui en sont touchés de près. Dans le cas de Rose, son mari préférera se décharger de ce problème, et de rappeler le psychiatre de Rose, plutôt que d’essayer avant tout de l’écouter, de comprendre... Cruel, ce qui arrive dès lors à ce personnage procure à la fois de l’empathie, et du plaisir malsain, Sosie Bacon campant à merveille cette femme persécutée, maudite, elle qui ne trouve plus le sommeil (quel visage !), mais qui va tenter, à l’aide d’une connaissance plus ou moins proche, de trouver des réponses à ce qui lui arrive, et dont on ne dira rien de plus…
Portée avec beaucoup de caractère par Sosie Bacon (vue dans la série Netflix "13 Reasons Why"), elle qui est la fille de Kevin Bacon et de l’actrice Kyra Sedgwick, "Smile" se révèle très méchant vis-à-vis de son héroïne, l’entité en question lui faisant vivre un sacré cauchemar, tout en la mettant dans une position d’isolée, du fait que personne ne croira évidemment ce qu’elle dit (c’est-à-dire qu’elle-même ne croyait pas sa patiente !). Difficile aussi pour la thérapeute qu’elle est d’accepter ce qui lui arrive, et d’y croire donc elle-même. Dans la première partie de son film, Parker Finn joue alors efficacement de son écriture pour tourmenter et effrayer Rose, et dès lors le spectateur. Certes, les jumpscares sont ici utilisés, mais toujours à bon escient, et avec une maîtrise assez impressionnante quand on sait qu’il s’agit là d’un premier film. Le metteur en scène s’appuie aussi sur les jeux d’ombres, aux apparences humaines diverses, tapissées dans le coin d’une pièce, en train de sourire, mais de manière menaçante à Rose, l’entité la sachant prise au piège, et cherchant à la pousser, petit à petit, au suicide…
Avec audace, Parker Finn a donc cherché ici à renverser cette expression facile primaire, signe de réconfort et de joie (elle que l’on apprend dès le berceau), que "le mal" va délibérément utiliser ici à sa guise, pour menacer, détruire, et se répandre, tel un virus... Tiens donc ! Aussi, le cinéaste se révèle inspiré en termes de mise en scène, fort d’un montage bien ficelé, lequel parvient à créer une atmosphère assez lourde et tétanisante, tout en ne se limitant pas à nous faire sursauter au sein d’une même scène, mais bien via sa transition avec la suivante, et le son de l’action qui l’ouvre, comme le bruit d’un klaxon de voiture, ou tout simplement celui de l’ouverture d’une boîte à conserve. Parker Finn utilise aussi sa caméra pour quelques trouvailles visuelles qui sortent de l’ordinaire, lui qui semble apprécier de filmer des plans larges "la tête à l’envers". La partition musicale expérimentale de Cristobal Tapia de Veer participe également avec effroi à la réussite de l’ambiance horrifique du métrage, bien qu’elle rappelle celle des films "It Follows" de David Robert Mitchell (2014) et de "The Ring" (2002) d’Hideo Nakata (ainsi qu’en termes d’écriture vis-à-vis de ce dernier...). "Smile" va en tout cas au bout de son cauchemar éveillé, lui qui ne laisse aucun répit à son personnage principal, en pleine paranoïa, et cela jusqu’au final, en forme de twist plutôt convaincant, voire galvanisant pour les fans du genre (que l’on est), et au travers duquel certaines questions trouvent réponse, tout en ouvrant délibérément les portes à une suite, qu’on attend déjà avec le sourire...