Genre : Fantastique, science-fiction
Durée : 144’
Acteurs : Ezra Miller, Sasha Calle, Ben Affleck, Michael Keaton, Michael Shannon, Ron Livingston, Kiersey Clemons, Maribel Verdú, Antje Traue, Temuera Morrison...
Synopsis :
Les réalités s’affrontent dans THE FLASH lorsque Barry se sert de ses super-pouvoirs pour remonter le temps et modifier son passé. Mais ses efforts pour sauver sa famille ne sont pas sans conséquences sur l’avenir, et Barry se retrouve pris au piège d’une réalité où le général Zod est de retour, menaçant d’anéantir la planète, et où les super-héros ont disparu. À moins que Barry ne réussisse à tirer de sa retraite un Batman bien changé et à venir en aide à un Kryptonien incarcéré, qui n’est pas forcément celui qu’il recherche. Barry s’engage alors dans une terrible course contre la montre pour protéger le monde dans lequel il est et retrouver le futur qu’il connaît. Mais son sacrifice ultime suffira-t-il à sauver l’univers ?
La critique de Julien
L’univers des super-héros va mal, très mal. Et le DCU de surcroit. En effet, après la débandade de "Shazam ! La Rage des Dieux" sorti plus tôt cette année, et du piètre "Black Adam" fin d’année dernière (déjà jeté aux oubliettes), c’est cette fois-ci à "The Flash" à connaître les foudres de sa sortie en salles. Or, celui-ci débarque dans nos salles près de neuf ans après l’annonce d’un film "solo" autour du personnage de Barry Allen, créé par Robert Kanigher et Carmine Infantino dans "Showcase n°4" (octobre 1956), et cela au sein du "Snyderverse", lui qui devait ainsi faire suite à "Batman v Superman : l’Aube de la Justice" (2016) et "Justice League" (2017). Sauf que ce dernier fut un énorme échec commercial, coulant avec lui l’univers de Zack Snyder, malgré la miraculeuse sortie de son director cut sur HBO Max, plateforme de SVoD de Warner. S’ensuivra pour "The Flash" un laborieux développement, subissant réécriture sur réécriture, et passant d’un réalisateur à l’autre, pour finalement atterrir en 2019 entre les mains d’Andy Muschietti ("Mama", le diptyque "Ça"), avec sa sœur Barbara Muschietti et Michael Disco à la production, alors que la Britannique Christina Hodson s’est affairée à la monture finale du script [1], alors que les premiers à s’y être collés étaient Phil Lord et Chris Miller, en 2015 (au total, 45 scénaristes seraient intervenus à différentes étapes du processus d’écriture du film au cours de toutes ses longues années de remaniements). Le tournage, quant à lui, n’a finalement commencé qu’en avril 2021 (merci la pandémie), pour se terminer en octobre de la même année. Mais c’était sans compter sur le feuilleton des déboires judiciaires de son acteur principal, Ezra Miller, jugé ces dernières années pour des agressions et troubles à l’ordre public, des vols et voies de fait, avant de reconnaître finalement souffrir de troubles de santé mentale en août dernier, entamant une thérapie. Sous ses bonnes résolutions, Warner Bros. n’a donc pas décidé de le virer, ni d’annuler ce projet - et cauchemar - cinématographique à plus de 200 millions de dollars de budget de production, alors que l’acteur a réalisé sa première apparition publique (après deux années) à la première du film, le 12 juin dernier à Hollywood, remerciant, au passage, ses dirigeants pour leur "grâce" et "discernement à son égard", ainsi que pour avoir pris "soin de lui dans cette période de sa vie", et d’avoir "fait en sorte que ce moment se réalise". Or, au vu du résultat, on aurait clairement préféré qu’il ne se réalise pas...
Alors que le tandem James Gunn et Peter Safran a récemment été nommé à la tête de l’écurie DC Comics, lequel va redistribuer ses cartes, et cela dès la sortie de "Superman : Legacy" en juillet 2025, centré sur les origines de Superman (exit Henry Cavill, viré du projet), et que Gunn réalisera, "The Flash" prend racine plusieurs années après les affrontements entre la Justice League et Steppenwolf, alors que Barry jongle entre son identité secrète pour sauver des vies, et son emploi dans la police scientifique, bien qu’il y soit toujours en retard... Incapable de tourner la page du meurtre de sa maman (Maribel Verdú), alors que son père (Ron Livingston) a été injustement jugé coupable de celui-ci en 2004, le super-héros (malgré-lui) se retrouvera, submergé par la tristesse, à voyager dans le passé par inadvertance, le faisant entrer dans le "Chronobowl", une sorte de vortex temporel où les réalités s’entrecroisent, et prenant forme d’un amphithéâtre. Barry ressortira alors de l’expérience avec la mauvaise idée de modifier les événements de 2004 afin d’effacer l’assassinat en question. Contre les avis de Bruce Wayne (Ben Affleck, pour sa dernière apparition en Batman ?), étant donné les graves conséquences qu’elle pourrait engendrer au sein de l’espace-temps, Flash remontera le temps. Sauf qu’il se retrouvera projeté en dehors du "Chronobowl", pour atterrir en 2013, devant chez lui, soit à la date du 29 septembre 2013, jour où il a obtenu ses pouvoirs, tandis qu’il s’agit aussi de l’année où Superman affronte Zod (Michael Shannon) à Metropolis, afin de l’empêcher de "terraformer" la Terre en Krypton. Il est donc fort à parier que Flash ne restera pas longtemps dans le passé, malgré la survie de sa maman qu’il lui offre...
Les super-héros n’en ont-ils pas assez de voyager dans le multivers et ses boucles causales ? Tout comme ses aînés, "The Flash" y saute les deux pieds joints, lequel est métaphoriquement résumé ici par le Batman de Michael Keaton (rôle culte qu’il n’avait plus campé depuis "Batman, le Défi" de Tim Burton en 1992) à l’aide d’un spaghetti sauce bolognaise, ce qui ne le rendra cependant pas plus appétissant. En remontant d’ailleurs le temps, le film d’Andy Muschietti donne l’ennuyante sensation de revoir un film qu’on a déjà vu [2], tandis que cette idée de saut entre les univers s’avère ici opportuniste, et remaniée à leur bonne guise par les multiples scénaristes qui sont passés par là, qui savent le champ des possibles qu’il permet d’ouvrir. Miller joue d’ailleurs ici face à son énervant et immature double (cheveux au vent), âgé alors de 18 ans (quel cirque !), tandis qu’une multitude de caméo viennent nous faire un petit coucou, lesquels partagent la particularité de ne pas avoir assez de temps à l’écran pour exister au-delà de la simple figuration ou d’une petite vanne (manifestement centrée sur les attributs sexuels masculins) mal sentie. Les notes d’humour tombent d’ailleurs souvent à plat, outre lors de la scène d’ouverture (au ralenti), où Flash doit (littéralement) sauver une pluie de (faux) bébés, tombés d’un étage d’un hôpital en train de s’effondrer. Sans doute la scène la plus originale du métrage, malgré quelques sympathiques visuels et jeux de caméra, notamment lors de l’envolée du Batwing, où lorsque les personnages principaux se retrouvent dans le "Chronobowl" ou la "Speed Force". Mais malheureusement, "The Flash" n’est qu’un amas assez déconcertant d’effets numériques indigestes, rappelant les mauvaises heures du Snyderverse, surtout lors du dernier acte, alors qu’une version alternative de Superman (qui n’est autre que sa cousine, Supergirl, jouée par Sacha Calle) se joint à la partie. D’ailleurs, la seule bonne idée de ce retour en arrière est de montrer que ce n’est pas toujours le bien qui triomphe, alors que la double morale du film veut que "tout problème n’ait pas sa solution ; il faut savoir renoncer", alors que "nos blessures nous forgent ; on n’est pas censé les guérir". Dès lors, vouloir effacer le passé, pour Barry Allen, n’est donc pas la bonne solution, bien que cette tentative infructueuse, censée amener son lot d’émotion, engendre plus ici l’embarras...
En s’invitant donc dans l’univers des super-héros, le cinéaste Andy Muschietti quitte ses premières amours, à savoir le cinéma de genre, puisqu’on lui doit, outre les adaptations du roman de Stephen King, le thriller horrifique "Mama" (2013) avec Jessica Chastain, lequel était lui-même adapté de son court-métrage du même nom (2008). Et tandis qu’on le retrouvera aux manettes de la série préquelle "Welcome to Derry" en 2024 et qu’il devrait signer le prochain Batman "The Brave and the Bold" pour DC, le cinéaste argentin peine à imprégner ici ce blockbuster superficiel de son cinéma, à mille lieues donc de toute nuance et atmosphère mesurée. Car "The Flash" ne veut en mettre que plein la vue, tout en croulant sous ses références, noyées dans le multivers, dont on ne voit que de la poussière. Les producteurs du film ont donc beau avoir eu de la considération pour Ezra Miller, ils semblent ne pas en avoir eu pour le spectateur...