Genre : Drame, thriller
Durée : 87’
Acteurs : Alberto Ammann, Bruna Cusí, Ben Temple, Laura Gómez...
Synopsis :
Projetant de démarrer une nouvelle vie aux États-Unis, Diego et Elena quittent Barcelone pour New-York. Mais à leur arrivée à l’aéroport, la Police des Frontières les interpelle pour les soumettre à un interrogatoire. D’abord anodines, les questions des agents se font de plus en plus intimidantes. Diego et Elena sont alors gagnés par le sentiment qu’un piège se referme sur eux...
La critique de Julien
Inspiré par les expériences personnelles en tant qu’immigrants vénézuéliens des réalisateurs Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez, mais également des témoignages de leurs familles et de leurs amis, "Upon Entry" est un thriller réaliste en huis clos, lequel ouvre les portes sur ce qui peut se dérouler derrière celles qui sont closes dans les aéroports, à savoir ici une désagréable procédure de contrôle et d’interrogatoire d’un couple formé d’un urbaniste Vénézuélien et d’une danseuse contemporaine Espagnole, et cela à l’aéroport de Newark en provenance de Barcelone, lors de leur escale étasunienne pour Miami, afin d’espérer y commencer une nouvelle vie. Sauf que pour les services de l’immigration, quelque chose ne tourne pas rond dans leur démarche et présence sur le sol américain...
Premier film écrit et réalisé par ses metteurs en scène, "Upon Entry" est une coproduction espagnole qui inscrit d’emblée son récit à l’époque de l’ère de l’administration Trump, tel qu’on peut l’entendre lors d’un extrait audio passant au début du film à la radio, l’ancien président voulant, à l’époque, dresser un mur entre les États-Unis et l’Amérique latine, tandis que l’extrait en question fait également référence à la récente déclaration d’indépendance de la Catalogne (du 27 octobre 2017). Et si ses réalisateurs ont choisi de situer leur récit lors de ces événements, c’est parce qu’ils ont toujours dû, eux, se justifier afin d’obtenir un visa pour espérer passer la frontière américaine, comme si l’on se méfiait finalement de leurs origines, au même titre que les Espagnols regardent les Sud-Américains avec méfiance, lesquels éprouvent des difficultés à s’intégrer en Espagne. Un film politique, donc, lequel traite du sujet tabou de l’immigration, et du regard que porte autrui sur nos racines. Mais leur film est d’autant plus une expérience qu’elle se situe dans l’un de ces endroits stériles où notre vulnérabilité est à son comble, soit une froide salle d’interrogatoire, face d’autant plus à une manœuvre déshumanisante, impersonnelle et déstabilisante. Et le bruit de travaux de manutention qu’on peut entendre en dehors de la salle lors de l’interview ajoute ici une part d’inhumanité dans la démarche des agents, comme si ceux-ci agissaient avec routine, alors que, face à eux, des hommes et femmes perdent tous leurs moyens, voire leur dignité, se retrouvant seuls face à l’inconnu, face à la peur d’une autorité en plein abus de pouvoir... La mise à nu des membres dudit couple fait dès lors froid dans le dos, comme s’ils n’étaient finalement que des suspects avant d’être des êtres humains, tandis que des révélations nous sont faites, tout en nous interrogeant volontairement, et par lesquelles lesdits agents vont d’ailleurs tenter de les condamner...
Ce qui aurait dès lors du commencer comme un rêve et idéal américain va dès lors commencer ici tel un véritable cauchemar. Car ce que va subir ici ce couple relève de l’intimidation, voire de la torture psychologique, afin d’obtenir d’eux ce que les autorités américaines en attendent, quitte à leur arracher les mots de la bouche. Et ce qui d’autant plus paradoxal dans ce genre de machination est qu’elles sont souvent orchestrées par des agents non-originaires des États-Unis, oubliant dès lors d’où ils viennent, mettant ainsi en lumière une nature humaine qui retourne vite sa veste. Millimétré, sous tension et immersif (malgré ses faibles moyens), "Upon Entry" est dès lors un film étouffant qui se vit en même que ses protagonistes (troublants Alberto Ammann et Bruna Cusí), lequel nous met autant mal à l’aise que ces derniers, mais pour mieux pointer l’ingratitude ressentie à l’égard de l’immigration, et les procédés mis en place par la Police des Frontières pour encore plus rabaisser ces gens face à leur condition...