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Tim Burton
Beetlejuice Beetlejuice
Sortie du film le 11 septembre 2024
Article mis en ligne le 10 septembre 2024

par Julien Brnl

Genre : Comédie, horreur, fantastique

Durée : 104’

Acteurs : Jenna Ortega, Winona Ryder, Michael Keaton, Monica Bellucci, Justin Theroux, Catherine O’Hara, Willem Dafoe...

Synopsis :
Après une terrible tragédie, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par le souvenir de Beetlejuice, Lydia voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid, adolescente rebelle, ouvre accidentellement un portail menant à l’Après-vie. Alors que le chaos plane sur les deux mondes, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne prononce le nom de Beetlejuice trois fois et que ce démon farceur ne revienne semer la pagaille.

La critique de Julien

"Quand on est mort-mort, c’est pour la vie" ! Pourtant, Beetlejuice, lui, revient enfin des morts, 36 ans après sa première apparition dans le classique de Tim Burton ! Le célèbre bio-exorciste est, en effet, de retour dans les salles, et cela toujours sous les traits de Michael Keaton, tandis que Winona Ryder et Catherine O’Hara reprennent également leur rôle dans cette suite. Projet de longue date, c’est donc avec énormément d’attente qu’on s’empressait de découvrir ce "Beetlejuice Beetlejuice", lequel à ouvert, hors compétition, la dernière Mostra de Venise. Or, le réalisateur, ayant déclaré à Venise avoir "été un peu déçu par l’industrie du cinéma" et s’être "un peu perdu" ces dernières années, semble avoir enfin retrouvé l’énergie et la clef du succès, entouré pour cela de ses amis et fidèles partenaires de travail. Et ce "Beetlejuice Beetlejuice" le confirme, lui qui devrait mettre un terme aux derniers et nombreux échecs ou déceptions commerciales du réalisateur, dont "Dumbo" (2019). Et c’est tout le mal qu’on lui souhaite, tant son film - et vilain petit canard - le mérite...

Il aurait donc fallu attendre plus de trois décennies pour qu’on puisse prononcer son nom à deux reprises ! Or, si l’attente fut longue, c’est notamment parce que son équipe attendait le bon scénario afin qu’on puisse revoir ces personnages tant aimés, cette suite n’existant d’ailleurs pas que dans l’ombre de son prédécesseur, ce qui en fait sa réussite, même si la nostalgie est de mise (sublime scène d’enterrement avec une chorale d’enfants chantant a capella le titre "Day-O"). Car oui, si l’industrie du cinéma a souvent l’habitude de nous coltiner des suites sans âmes, force et de constater que Tim Burton, lui, nous livre là une œuvre qui fourmille de générosité et de passion retrouvée. Or, c’est bien connu : c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes ! Et d’après les personnages créés par Michael McDowell et Larry Wilson, cette suite a bien de la suite dans les idées, elle qui a été coécrite par les coscénaristes Alfred Gough et Miles Millar (avec lesquels Burton a travaillé pour la série à succès Netflix "Mercredi"), ainsi qu’avec le scénariste et producteur Seth Grahame-Smith (déjà à l’œuvre du script de "Dark Shadows", sorti en 2012). "Beetlejuice Beetlejuice" nous replonge alors, dès son générique, à Winter River, et cela toujours avec une caméra en plongée, survolant dès lors la ville maquette, et toujours accompagnée par le thème musical de Danny Elfman, lequel rempile donc également ici pour le meilleur, et surtout pour le rire...

Si les bandes-annonces du film avaient rapidement vendu la mèche, la famille Deetz va donc se retrouver ici pour les funérailles de Charles (Jeffrey Jones), décédé à la suite d’une tragédie, ce que Delia (Catherine O’Hara), la belle-mère de Lydia (Winona Ryder), apprendra à sa belle-fille. Toujours hantée par le fantôme de Beetlejuice (initialement appelé Bételgeuse, d’après l’étoile du même nom, mais pas très facile à prononcer pour les anglophones), cette dernière anime quant à elle un talk-show surnaturel intitulé "Ghost House", produit par son fiancé Rory (Justin Theroux), tandis qu’elle entretient une relation difficile avec sa propre fille, Astrid (Jenna "Mercredi" Ortega), laquelle séjourne dans un pensionnat huppé. En effet, la jeune demoiselle en veut terriblement à sa mère pour sa séparation survenue avec son père deux ans plus tôt, ainsi que pour ne pas être capable de le voir parmi les morts, lequel a été disparu en Amérique du Sud en cours d’une expédition à visée écologique. Et il ne faudra pas longtemps pour que ce beau et joli petit monde prononce trois fois le nom du démon farceur, ou rouvre une porte pour l’au-delà et sa bureaucratie...

Quelle savoureuse réussite - dans l’absolu - qu’est ce "Beetlejuice Beetlejuice" ! Autant dire que cela faisait (si) longtemps qu’on avait plus connu un Tim Burton aussi animé par l’inventivité et l’humour cauchemardesque, tandis que son cinéma s’avère toujours aussi imprégné par son style cinématographique si particulier. Sans jamais dénaturer ainsi son modèle ni le copier-coller, le cinéaste nous invite à prendre part à son "Soul train", et cela avec autant de funk (on tape ici du pied) que de sang giclant dans tous les sens (oui, oui) ! Qu’il est ainsi plaisant de retrouver le metteur en scène en grande forme, lequel a eu champ libre de la part de Warner Bros. Pictures, ce qui se ressent effroyablement à l’écran ! Car une fois les longues retrouvailles faites, son film met les petits plats dans les grands et nous sert une sacrée dose de plaisir morbide, à la fois rythmé, cocasse et emmené par un généreux casting excellant dans son jeu, et au travers duquel on devine toute la joie de reprendre part à cet univers qui lui et nous avait manqué.

Que serait tout d’abord "Beetlejuice" sans Michael Keaton ? À 73 ans, l’acteur est toujours aussi gaffeur, peu digne de confiance, et excentrique sous la peau moisie du célèbre personnage, lequel se brûle notamment les doigts lorsqu’il jure sur la tête de ses ancêtres. Ce dernier s’amuse, et nous aussi par la même occasion ! Et quelle bonne idée ici que de lui donner un coup de pied aux fesses, lequel, s’il hante toujours l’esprit de celle qu’il a failli épouser 36 ans plus tôt, se retrouvera à son tour pourchassé par des asticots, reformant, en effet, son ex-femme démembrée et vengeresse, Delores (Monica Bellucci), laquelle fut jadis une sorcière suceuse d’âmes. Catherine O’Hara est également irrésistible sous les traits de l’égocentrique Delia Deetz, la belle-mère aux frasques supérieures. Winona Ryder est aussi dans la place, toujours aussi gothique et bizarre, elle dont l’alchimie avec Keaton est évidente, tandis que l’émotion est de mise entre elle et Jenna Ortega, lesquelles jouent ainsi une mère et fille à l’écran, mais qui manque de courant dans leur relation, avant de la retrouver. Willem Dafoe est également de la partie dans le second rôle à mourir de rire d’un détective fantôme et ancienne star de films d’action de série B, tout comme Justin Theroux dans celui de Rory, soit le petit ami de Lydia et producteur vénal de télévision, sans oublier Bob (Nick Kellington), et quelques autres surprises qui saupoudrent le film de moments hilarants. Il n’y a qu’à découvrir ce que Tim Burton et les scénaristes ont réservé au personnage de Jeffrey Jones pour mettre tout le monde d’accord ! Et quel délire ! Et bravo - en l’occurrence - au doublage !

S’il met ainsi du temps à démarrer, "Beetlejuice Beetlejuice" profite alors d’un montage absolument dantesque une fois ses morts ressuscités, Tim Burton jouant notamment ici des compétences du bio-exorciste comme jamais, dont en matière d’idées visuelles ou de transition entre ses scènes. Et malgré quelques fonds verts qui piquent aux yeux, le film brille aussi par sa direction artistique à l’ancienne, avec ses maquillages, marionnettes et animatroniques (le ver des sables), et quelques savoureuses séquences, dont une en animation et une autre à l’ancienne filmée en noir et blanc, alors doublée en italien par Keaton lui-même, lors d’un flash-back. Un visuel qui rappelle donc indéniablement celui du premier film, tout en ne manquant pas d’imagination nouvelle. Quand on vous dit que Tim Burton s’est retrouvé ! Dommage cependant que son film souffre de son trop-plein de bonne volonté, lequel s’éparpille sans doute dans trop de directions, autour de ses trop nombreux personnages, n’ayant dès lors pas tous le même espace pour exister, ni la conclusion qu’ils méritaient, et cela même si quelques-uns sont pourtant (déjà) morts. À cet égard, l’écriture des dialogues n’y va pas non plus de mainmorte en matière de second degré, et s’amuse avec des punchlines qui pourraient devenir des classiques (si, si). Ainsi, s’il part donc dans tous les sens, "Beetlejuice Beetlejuice" le fait toujours au service de sa folie débridée et créative, portée par des scènes qui font mouche, et qu’on n’est pas près d’oublier. Et ça, on ne l’aurait jamais cru avant d’entrer en salles ! Quant à ces thèmes de prédilection, Tim Burton les poursuit ici, dans la lignée d’ailleurs de "Beetlejuice", alors qu’il est toujours question de traumas et de démons avec lesquels il faut vivre, mais aussi d’une relation mère/fille conflictuelle, de deuil, ainsi que du consentement. L’ensemble fonctionne alors étonnement, bien que cela ne surprenne guère, étant donné l’authenticité monstrueuse avec laquelle a été conçu ce film, et cela de toute part. On aurait déjà personnellement bien envie de prononcer ledit nom à trois reprises !

Bref, quel plaisir partagé, donc, de découvrir la renaissance d’un cinéaste d’exception, lequel, sans non plus réinventer ici la poudre à canon, ne se prive de rien dans "Beetlejuice Beetlejuice", aussi foutraque, fun, (en)chanté, monstrueux que malin. Ainsi, à la question "les vivants et les morts peuvent-ils coexister ?", Tim Burton semble être encore (très) inspiré pour en trouver la réponse. Bref, un pur divertissement burtonien ! Pur jus (de blatte) !



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