Genre : Biopic, drame, guerre
Durée : 117’
Acteurs : Kate Winslet, Andy Samberg, Alexander Skarsgård, Marion Cotillard, Josh O’Connor, Andrea Riseborough, Noémie Merlant, Vincent Colombe, Zita Hanrot, Samuel Barnett, Patrick Mille...
Synopsis :
Après une carrière de top-model et d’icône de la mode, Lee Miller se transforme en photographe de guerre intrépide pendant la Seconde Guerre Mondiale. Elle met en image les atrocités de la guerre pour le magazine "Vogue", aussi bien les soldats présents sur la ligne de front que l’horreur des camps de concentration. Elle montre non seulement la cruauté de la guerre, mais aussi la résilience des victimes. Elle en paiera le prix fort lorsqu’elle sera confrontée avec un traumatisme de son propre passé.
La critique de Julien
"Lee", c’est le premier film de la directrice de la photographie américaine Ellen Kuras, consacré lui-même à sa compatriote et photographe Elizabeth Miller, et cela d’après la biographie "The Lives of Lee Miller" (1985) d’Antony Penrose. Surnommée "Lee", celle-ci fut mannequin et photographe de mode avant d’être correspondante de guerre pour le magazine British Vogue lors de la Seconde Guerre mondiale, et accréditée dès 1942 par l’US Army, lui permettant ainsi de couvrir des événements tels que le Blitz de Londres, la bataille de Saint-Malo, la libération de Paris, ou encore la découverte des camps de concentration de Buchenwald et de Dachau. Or, paradoxalement, c’est bien après son décès survenu en 1977 que sa réputation d’artiste s’est forgé, et cela notamment par la promotion de son œuvre par son fils, Antony Penrose, lequel est ainsi l’auteur du livre duquel s’inspire ce film biographique. Quelque peu conventionnel, "Lee" est cependant parcouru d’images fortes qui en disent long sur le combat de cette femme d’exception pour que soient révélées, par ses photographies, les horreurs de la guerre aux yeux du monde, elle qui a succombé, à son tour - et à petit feu - aux guerres qu’elles menaient contre elle-même...
Tandis que la majorité du film se déroule entre 1942 et 1945, l’intrigue de "Lee" est ici le fruit d’une interview fictive menée entre un curieux journaliste (Josh O’Connor) et une Lee Miller âgée et affaiblie par les médicaments et l’alcool, réalisée dans sa maison de Farley Farm House, située dans le Sussex, en Angleterre. Ainsi, à mesure des révélations sur son histoire, le film retourne dans le passé et ses souvenirs, et cela de la fin des années 30 aux sombres heures de l’Europe nazie. Le film témoigne alors des multiples batailles de cette femme, dont celle qu’elle a dû mener afin de pouvoir exercer son métier de photographe de guerre dans un monde d’hommes, et cela afin d’être respectée, entendue, et publiée. Le film revient d’ailleurs sur quelques-unes de ses emblématiques photographies, comme celle qu’a prise d’elle le photographe du magazine Life, David Sherman (Andy Samberg), lequel l’avait accompagnée dans son périple à travers l’Europe. Sur cette photo datant du 30 avril 1945 (soit par coïncidence le jour où Hitler s’est suicidé), on peut alors y voir Miller assise dans la baignoire de l’appartement privé d’Adolf Hitler (avec d’ailleurs un portrait de ce dernier en arrière-plan), situé à Munich, tandis que ses bottes pleines de boue séchée salissent délibérément la salle de bain d’Hitler, et cela après que Miller ait visité le matin même les camps de Dachau. Oui, la Dame osait, et n’avait pas peur de marquer les esprits, et cela d’autant plus lorsqu’il était question de dualité humaine. Personnel, ce film biographique revient aussi sur les addictions de Miller à l’alcool et à la cigarette, mais également sur son syndrome post-traumatique, ou encore sur les conséquences psychologiques d’un abus sexuel dont elle a été victime, plus jeune. Enfin, il est bien évidemment question de ses amours, dont avec son mari écrivain Roland Penrose (Alexander Skarsgård) et avec son amant David Sherman (Andy Samberg), ou encore de son amitié avec la rédactrice en chef de British Vogue, Audrey Withers (Andrea Riseborough), sans oublier le fait que le film aborde également la question de la maternité, qu’elle a longtemps refoulée...
Projet de longue date qui lui tenait particulièrement à cœur, c’est Kate Winslet elle-même qui a proposé à la directrice de la photographie Ellen Kuras de la diriger dans cette adaptation, laquelle l’avait déjà photographié dans "Eternal Sunshine of the Spotless Mind" (Michel Gondry, 2004), Winslet coproduisant d’ailleurs "Lee". De tous les plans, l’actrice est l’atout majeur de ce drame sans véritable éclat, elle qui s’est même blessée sur le tournage du film, tout en continuant à tourner. Dommage qu’elle en fasse parfois un peu trop, tandis qu’il est curieux de retrouver dans les seconds rôles peu exploités du film des acteurs de renom tels que Marion Cotillard, Noémie Merlant, Josh O’Connor, Zita Hanrot, ou encore Andrea Riseborough. Mais ce sont bien ici les images qui parlent davantage que les mots, lesquelles sont bien plus percutantes, par exemple, que celles du film "Civil War" d’Alex Garland sorti cette année, et dans lequel le personnage incarné par Kirsten Dunst (Lee Smith) empruntait justement son prénom à celui de la célèbre photojournaliste, ici pleine de résilience et détermination. Passant des studios de Vogue aux camps de la mort, Miller avait d’ailleurs supplié Vogue de croire que les photos qu’elle envoyait étaient bien vraies, elle qui ne se remettra d’ailleurs jamais de ce voyage de l’horreur... Or, malgré un double twist final plutôt émouvant, le spectateur du film, lui, survivra bien à celui-ci, lequel ne lui laissera pas un souvenir impérissable en tête, bien qu’il rende un honnête hommage à une femme anticonformiste. Mais cette dernière aurait sans doute mérité une encore plus large fenêtre biographique, étant donné son parcours atypique, raconté seulement ici sur quelques années, et autant de multiples sujets traités en surface...