Genre : Horreur, thriller
Durée : 102’
Acteurs : Christopher Abbott, Julia Garner, Sam Jaeger...
Synopsis :
Blake, un père de famille de San Francisco, hérite de la maison isolée de son enfance dans une région rurale de l’Oregon après la disparition de son père, présumé mort. Alors que son mariage avec sa femme ambitieuse, Charlotte, se délite, Blake convainc Charlotte de quitter la ville pour un moment et de visiter la propriété avec leur jeune fille, Ginger. Mais en arrivant à la ferme au milieu de la nuit, la famille est attaquée par un animal invisible et, dans une fuite désespérée, se barricade à l’intérieur de la maison tandis que la créature rôde à l’extérieur. Au fil de la nuit, cependant, Blake commence à se comporter étrangement, se transformant en quelque chose de méconnaissable, et Charlotte devra décider si la terreur à l’intérieur de leur maison est plus mortelle que le danger qui les menace dehors.
La critique de Julien
Quelques semaines avant le début de la pandémie de COVID-19, "Invisible Man" de Leigh Whannell avait réussi à trouver le chemin des salles de cinéma et, en même temps, aussi bien le public que la critique. Dernière itération du roman "L’Homme invisible" (H. G. Wells, 1897), ce prodigieux thriller s’inscrivait alors parfaitement dans l’ère (post-)#MeToo, profitant d’un scénario aussi malin qu’éprouvant, et offrant une véritable vitrine aux violences faites aux femmes. Élisabeth Moss y interprétait alors l’ex-copine d’un richissime scientifique spécialiste d’optique, s’étant alors donné la mort, lequel était un pervers narcissique manipulateur, alors animé par un besoin compulsif et pathologique de domination. Sauf que ce dernier n’était pas vraiment mort, mais devenu invisible, et allait orchestrer une véritable vengeance à l’égard de son ex-petite copine, l’isolant toujours plus du monde et des siens... Anxiogène et terriblement efficace, ce film était alors réalisé par le cinéaste australien Leigh Whannell, fidèle partenaire de travail de James Wan, lui qui avait, avant cela, déjà réalisé les réussis "Insidious : Chapitre 3" (2015) et "Upgrade" (2018). Après "Invisible Man", inscrit dans une volonté d’Universal d’offrir une seconde vie à sa franchise Universal Monsters (1913-1956), en partenariat avec Blumhouse Productions, Leigh Whannell a donc réitéré avec la même équipe, mais autour, cette fois-ci, de la figure du loup-garou, pour "Wolf Man", afin de poursuivre cet univers, non pas partagé, mais composé de films autonomes. Le résultat est-il dès lors à hauteur de nos (très/trop grandes) attentes ? Attention, on sort les griffes !
Alors que Ryan Gosling devait initialement jouer cette nouvelle version de l’homme loup-garou devant la caméra de Derek Cianfrance - avec lequel il avait déjà travaillé sur le superbe "The Place Beyond the Pines" (2012), l’acteur a finalement abandonné son rôle après que le metteur en scène ait quitté le projet en 2023, Gosling restant tout de même producteur exécutif du film. C’est l’acteur Christopher Abbott, habitué jusque-là aux seconds rôles au cinéma (vu récemment dans "Kraven le Chasseur" de J. C. Chandor) tout en l’ayant croisé dans diverses séries ("Catch 22" ou "The Crowded Room"), qui l’a alors remplacé de pied ferme, accompagné par Julia Garner, lesquels interprètent un couple distancé, parent d’une petite demoiselle plus proche de son père qu’elle ne l’est de sa mère, quant à elle accro à son travail de journaliste. Alors qu’il a fui le domicile forestier de son père dès qu’il a pu le faire, Blake recevra le certificat de décès de celui-ci, ayant mystérieusement disparu sans laisser de traces, tout en recevant ainsi les clefs de la maison de son enfance. Sous son impulsion, et suite à sa volonté de renouer avec son épouse, Blake leur proposera d’y passer l’été, dans les montagnes reculées de l’Oregon. Très vite, le souvenir d’effrayantes parties de chasse de son enfance refera surface, tout comme le souvenir d’une mystérieuse créature rôdant dans la forêt il y a trente ans de cela...
On sent très vite la volonté de Leigh Whannell et de sa femme, Corbett Tuck, coscénariste du film, d’immerger avant tout cette histoire au cœur de thèmes aussi riches que celui du traumatisme familial, du patriarcat toxique, des pressions sociales ou encore des peurs parentales, le tout au sein d’un mariage qui bat de l’aile, et de donner ainsi de l’épaisseur à leur histoire (au-delà donc de l’horreur pure), tout comme Whannell l’avait fait pour son précédent métrage, présenté ci-dessus. De l’émotion, "Wolf Man" n’en manque dès lors pas, du moins dans sa première partie, et cela davantage par le jeu mélancolique de Christopher Abbott que par l’écriture des dialogues, assez niaise. Mais "Wolf Man", en faisant le choix de dérouler son action principale en une seule nuit, n’offre, pire, jamais la profondeur tant espérée à ses sujets, et qu’aurait pourtant mérité cette famille. Frustrant, le film n’engendre dès lors que peu d’empathie, l’intrigue passant à côté de toutes ses tentatives de créer du lien avec le spectateur. Aussi, les faits, gestes et réactions des personnages n’ont pas toujours de sens (à large échelle), tandis que l’existence du mythe du loup-garou dans les montagnes de l’Oregon est ici catapultée en quelques lignes lors du générique d’ouverture, sans trop se poser de questions. Fort heureusement, ces manquements sont quelque peu rattrapés ici par le suspens, la mise en scène, ou encore la douloureuse transformation dont il en question...
Il faut le dire : techniquement, Leigh Whannell nous offre là du beau travail, épousant les gestes d’un père perdant plus que ses dents. Mouvements de caméra succincts reflétant les pertes d’équilibre de son personnage principal, séquences immersives dans la peau de l’homme-garou nous permettant dès lors de découvrir - à mesure de la perte de ses sens humains - ses terrifiantes nouvelles capacités auditives et visuelles, mais aussi un excellent sound design parvenant à pleinement nous plonger dans l’horreur... Tant d’ingrédients au service d’une atmosphère tendue, et sombre, à l’égard de la photographie signée Stefan Duscio, portée par la superbe et organique musique du compositeur Benjamin Wallfisch. Sans passer évidemment à côté d’éléments plus sanglants, à l’image, notamment, d’une automutilation vorace. Visuellement, pourtant, "Wolf Man" ne fait aucunement le poids si on le compare, par exemple, à "The Wolfman" (Joe Johnston, 2010), ayant d’ailleurs remporté l’Oscar du meilleur maquillage pour les techniciens Rick Baker et Dave Esley, mais avec un budget de production - il est vrai - six fois plus élevé, mais avec un foudroyant échec commercial à la clef. La version de Leigh Whannell, elle, plus intimiste et modeste, fait ce qu’elle peut avec qu’elle possède, à la fois de plus moderne et d’identitaire, sans pour autant aller au bout de ce qu’elle entreprend. Dans l’absolu, son "Wolf Man", ne dressant ainsi jamais les poils, et ne prenant pas le temps de marquer les esprits, résidera donc comme une déception lycanthropique certaine. Est-ce faute de pleine lune ?