Genre : Comédie dramatique
Durée : 91’
Acteurs : Audrey Fleurot, Dany Boon, Ewan Bourdelles, Nicolas Marié...
Synopsis :
Chris et Antoine ont bien du mal à s’entendre depuis leur divorce. Mais, lorsqu’on leur annonce que leur fils de 16 ans est atteint d’une maladie rare, qui va lui faire perdre la vue, ils s’efforcent de mettre leurs rancœurs de côté. Les ex-conjoints embarquent leur fils pour des vacances inoubliables, bien décidés à lui offrir ses plus beaux souvenirs.
La critique de Julien
Adaptation du long métrage inédit "Ya veremos" (2018) du mexicain Pedro Pablo Ibarra, "Regarde !" est le troisième long-métrage d’Emmanuel Poulain-Arnaud après l’inédit "Les Cobayes" (2020) et "Le Test" (2021). Touché très tôt par le thème de la santé - qu’il s’agisse de la perte d’un parent, d’un cancer personnel avant ses trente ans ou de proches dans le secteur médical - le cinéaste a toujours ressenti le besoin d’aborder des sujets graves à travers le prisme de la comédie, sans jamais renoncer à l’émotion. En effet, d’après lui, "il y a toujours de la lumière dans le drame". Une démarche qu’il poursuit avec ce nouveau film, porté par les populaires Audrey Fleurot et Dany Boon. Ils incarnent ici des parents divorcés et en conflit, eux qui viennent d’apprendre la maladie de leur fils, Milo, atteint de rétinite pigmentaire. Mais si ce dernier devient le moteur du récit, ce sont surtout les adultes qui apparaissent en première ligne, contraints d’affronter leurs propres blessures et les rancunes qu’ils nourrissent entre eux. Forcés de s’unir, ils entreprendront avec lui un voyage vers les plages des Landes, où vit son grand-père Papichou (Nicolas Marié), afin de graver sur la rétine de leur jeune apprenti surfeur des images inoubliables. Voilà donc une coproduction TF1 Films pleine de bonnes intentions sur papier, mais qui ne tient malheureusement pas ses promesses, en sombrant dans un pathos qu’il tentait pourtant d’éviter...
Quand la maladie devient un prétexte...
Maladie génétique de l’œil, la rétinite pigmentaire se manifeste par un rétrécissement du champ visuel, avant la perte (relativement tardive) de la vision centrale. Coaché et immergé à l’Institut National des Jeunes Aveugles de Paris afin de comprendre et pouvoir interpréter une personne atteinte de celle-ci, le jeune Ewan Bourdelles se montre relativement effacé dans son jeu, accompagné par un duo d’acteurs faussement inattendu, et qui prend ici pratiquement toute la place. Ainsi, si Dany Boon fait son Dany Boon dans le rôle du père ayant refait sa vie avec une collègue (Camille Solal) un brin maladroite, invasive et en besoin de reconnaissance affective, Audrey Fleurot, elle, cabotine quelque peu dans le rôle d’une mère célibataire abonnée aux applications de rencontre, et maquillée dès la sortie du lit. Quant au grand-père, joué par Nicolas Marié, il passe son temps à grignoter des sucreries, faute de réussir à faire le deuil de son épouse. Dès lors, quand on y regarde de plus près, la maladie sert ici de tremplin à l’adulte en pleine crise, avec ses propres blessures intimes et conflits familiaux, plutôt qu’à explorer réellement le vécu de l’enfant malade. La rétinite pigmentaire devient dès lors un prétexte à un voyage dans les Landes, sur ses plages magnifiques, où la confrontation prend le pas sur le témoignage...
De superbes vagues mais une émotion forcée
La photographie de Nicolas Gaurin - pour sa troisième collaboration avec Poulain-Arnaud - se révèle alors l’atout majeur du film, laquelle capture le bleu indigo des vagues, et donne envie de se mettre au surf, tandis que la lumière gagne en intensité à mesure que le jeune garçon perd la vue (quand bien même cela n’est pas aussi rapide dans la réalité). On sent que le cinéaste aime cette région, lui qui y a passé certaines de ses vacances, où le surf est beaucoup pratiqué, tout comme le handi-surf (lequel n’est jamais cité dans le film). Mais le paysage finit aussi par prendre le dessus sur la préoccupation initiale du métrage, soit offrir un sentiment de liberté et d’espoir au garçon face à la rétinite pigmentaire, tout en cherchant à trouver le ton juste entre comédie et drame. La maladie s’avère d’ailleurs davantage vécue ici au travers du regard des parents que de celui de leur fils, en témoigne le nom de leurs interprètes écrits en grand sur l’affiche officielle du film. De plus, "Regarde !" ne nous informe finalement que très peu sur celle-ci, ainsi que sur l’accompagnement de ceux qui en souffrent. Mais surtout, la mise en scène du cinéaste tire sans cesse sur la corde sensible, et cherche à provoquer l’émotion plutôt qu’à la faire émerger d’elle-même. On pense notamment à cette scène où les parents de Milo lui disent qu’il a droit à lâcher prise, avant que la caméra ne fixe le garçon pendant de longues secondes, jusqu’à ce que ses larmes tombent, le tout appuyé par la musique de plus en plus envahissante du fidèle collaborateur du cinéaste, Julien Glabs. Le film ne nous offre dès lors que de rares moments de sincérité, sans jamais se révéler réellement touchant. Il échoue ainsi à capter, à son tour, notre rétine. Dommage.
